Le Code civil ne donne au propriétaire aucun passe-droit pour mitrailler à volonté un logement qu’il loue, même s’il possède les clés. Prendre des clichés à l’intérieur d’un bien occupé exige l’accord explicite du locataire, que ce soit pour préparer une vente, gérer le bien ou simplement garder une trace de l’état des lieux. Publier ou partager ces images sans l’aval du locataire expose à des sanctions réelles, y compris si les photos ne montrent aucune personne.
Il existe cependant des situations particulières : lors d’une procédure judiciaire ou d’un état des lieux mené en présence des deux parties, la prise de photos peut être admise, sous réserve de respecter un cadre précis. La ligne de partage entre le droit à l’image du locataire et la défense des intérêts du propriétaire n’est jamais simple, et continue d’alimenter bon nombre de procédures et de débats juridiques.
Ce que la loi encadre : droits du propriétaire et droit à l’image
Le propriétaire qui souhaite photographier un logement occupé se heurte à un obstacle de taille : le respect de la vie privée du locataire. Dès que le bail est signé, le locataire acquiert le droit de profiter sereinement de son logement. Prendre en photo l’intérieur, même pour remplir un dossier ou établir un suivi de gestion, sans autorisation explicite ne passe pas. Cela viole l’intimité du locataire.
La loi ALUR est venue renforcer la protection du droit à l’image et délimite strictement les cas où le bailleur peut réaliser des photos dans le logement. La seule marge de manœuvre tolérée concerne l’état des lieux, qui vise à objectiver d’éventuels désaccords sur l’état du bien. Même alors, la prise de vues doit se limiter à ce qui est contesté, sans s’immiscer dans la vie du locataire ou capturer ses affaires privées.
Ni le code civil ni la jurisprudence ne laissent place à l’ambiguïté : la propriété ne justifie pas toutes les intrusions. En France, la relation entre droit de propriété et protection de la vie privée s’impose à tous, qu’on soit bailleur, locataire ou intermédiaire. Utiliser ou publier ces images, sans accord formel, peut entraîner la responsabilité du propriétaire, civilement et pénalement.
Voici ce que la loi autorise ou interdit dans les situations usuelles :
- État des lieux : la prise de photos est possible, à condition qu’elle reste purement documentaire.
- Diffusion ou publication : il faut impérativement un accord écrit du locataire, même pour une annonce immobilière.
- Preuve judiciaire : certaines exceptions sont prévues, mais c’est le juge qui fixe les limites.
La prudence est de mise dès qu’il s’agit d’images en lien avec un bien loué. Propriétaire et locataire doivent faire primer la clarté et le respect mutuel dans leurs démarches, pour éviter tout dérapage ou suspicion d’abus.
Photographier un bien ou une personne : quelles différences et précautions à connaître ?
Capturer l’image d’un bien immobilier ne répond pas aux mêmes règles que photographier une personne à l’intérieur du logement. Un propriétaire désireux de faire des photos pour un état des lieux ou d’archiver une preuve visuelle doit se concentrer sur l’état général du lieu, sans immortaliser les visages ou des objets permettant d’identifier le locataire. Dès qu’une personne, ou un effet personnel reconnaissable, figure sur la photo, il devient impératif d’obtenir le consentement préalable.
Autre nuance à connaître : la question du droit d’auteur. Si une simple photo d’une pièce ne donne pas lieu à une protection spécifique, le recours à un photographe professionnel ou la réalisation d’images à caractère créatif relève de la propriété intellectuelle. Les clichés pris pour l’état des lieux, eux, gardent un usage strictement documentaire et ne doivent jamais servir de support commercial ou promotionnel sans une autorisation expresse.
Voici quelques règles concrètes pour éviter tout faux pas lors de la prise de photos :
- Photo intérieur : concentrez-vous sur les murs, sols, plafonds et installations fixes.
- Photo extérieur : veillez à ce qu’aucune personne ni plaque d’immatriculation ne soit visible.
- Consentement : dès qu’un objet personnel ou une personne apparaît sur l’image, demandez l’accord écrit du locataire.
La moindre diffusion, sur un site d’annonces, sur les réseaux sociaux, ou dans un dossier de vente, doit impérativement être validée par une autorisation claire. Le cadre légal français ne laisse guère de place à l’improvisation : l’image d’autrui, même capturée dans le contexte d’un état des lieux, ne s’archive ni ne se partage à la légère. Un excès de confiance peut rapidement dégénérer en litige juridique ou en atteinte à la vie privée.
Quels recours en cas d’atteinte à la vie privée ou d’utilisation abusive de photos ?
Lorsqu’un propriétaire franchit la ligne et diffuse, sans accord, des photos du logement qui montrent des éléments personnels ou la silhouette du locataire, la riposte ne se fait pas attendre. Le droit au respect de la vie privée agit comme un garde-fou. Les tribunaux l’ont confirmé : transmettre ou publier des images sans autorisation, en particulier sur des plateformes publiques ou auprès de tiers, engage la responsabilité civile de l’auteur de la diffusion.
Face à ce type de litige, plusieurs solutions s’offrent au locataire. En premier recours, la commission départementale de conciliation permet de chercher un compromis entre bailleur et locataire, gratuitement, pour régler les différends liés à l’état des lieux contradictoire ou à la diffusion de photos contestées. Si aucune entente ne se dessine, le dossier peut être porté devant le tribunal judiciaire compétent, qui statue sur les atteintes à la vie privée ou sur l’usage abusif d’images.
Le locataire peut également demander la suppression immédiate des clichés incriminés, mais aussi solliciter une indemnisation pour le préjudice moral subi. Il faut savoir que la responsabilité pénale du bailleur peut être engagée en cas de diffusion malveillante ou répétée. La Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises que la prise et l’utilisation de photos, même lors d’un état des lieux, doivent respecter le droit à l’image.
Pour s’y retrouver, voici les principaux recours possibles :
- Commission départementale de conciliation : pour tenter de résoudre rapidement le conflit à l’amiable.
- Tribunal judiciaire : voie à privilégier pour obtenir réparation ou faire sanctionner l’abus.
- Suppression et indemnisation : possibilité d’exiger le retrait des photos litigieuses et de demander des dommages-intérêts.
Le droit à l’image n’est pas une abstraction : il s’inscrit dans la réalité du quotidien locatif. Mieux vaut y prêter attention, car un simple cliché peut ouvrir la porte à de longues semaines de procédure. Le respect, lui, ne demande qu’un accord.