En 2022, moins de 10 % des Français ont changé de domicile, alors que ce taux dépassait 12 % au début des années 2000. Parmi les 18-34 ans, la mobilité résidentielle chute de façon marquée depuis une décennie, malgré une population globalement plus nombreuse dans cette tranche d’âge.
L’Île-de-France affiche un solde migratoire négatif pour la première fois depuis vingt ans, tandis que l’ouest et le sud du pays enregistrent un regain d’attractivité. La crise sanitaire a accéléré certaines dynamiques, inversant des tendances auparavant stables et bouleversant la carte des flux migratoires internes.
La mobilité résidentielle en France : quelles évolutions ces dernières années ?
Le mouvement des Français d’une adresse à l’autre est loin d’être anecdotique, mais il ralentit sensiblement. Les données de l’INSEE sont claires : en 2022, à peine plus de 9 % de la population a changé de résidence principale. Au tournant du millénaire, ils étaient 12 % à faire leurs cartons. Ce recul concerne tout le pays, mais frappe d’autant plus les moins de 35 ans, autrefois champions du changement d’adresse. L’institut statistique constate une France plus sédentaire, moins portée à franchir les frontières départementales ou régionales.
Le secteur du déménagement s’adapte à cette nouvelle donne. Chaque année, autour de 6 millions de personnes déménagent selon INSEE Première, mais la plupart restent proches de leur ancien domicile. Les déménagements s’opèrent surtout à l’intérieur des mêmes régions, souvent même dans le même département. Les échanges entre pôles urbains et couronnes périurbaines animent encore les flux, mais depuis la crise sanitaire, les communes rurales attirent davantage. La carte du logement se redessine, remuant les repères du marché immobilier traditionnel.
Quelques chiffres illustrent ces fractures. Paris et l’Île-de-France enregistrent aujourd’hui plus de départs que d’arrivées. À l’inverse, l’ouest et le sud du pays gagnent de nouveaux résidents. Les grandes métropoles, longtemps aimantées, voient leur attrait diminuer au profit des villes moyennes et des zones périurbaines. La mobilité résidentielle met à nu les évolutions de la société française, entre tensions économiques, envies de changement, et transformations des territoires.
Qui sont les Français qui déménagent le plus aujourd’hui ?
Les jeunes adultes restent en tête des profils mobiles. Les statistiques de l’INSEE le confirment : chez les moins de 30 ans, les déménagements s’enchaînent. Premier travail, entrée dans la vie active, études, installation en couple… Chaque passage à une nouvelle étape de vie se traduit souvent par un changement de logement. Ce sont ces jeunes adultes qui font le plus bouger les lignes du marché.
Mais ce dynamisme s’estompe avec l’âge. Passé 35 ans, la stabilité prend le dessus. Les familles privilégient la durée dans leur logement, limitant les allers-retours. Les actifs en début de carrière restent moteurs, mais la quarantaine venue, la mobilité faiblit nettement. Du côté des seniors, les déménagements deviennent rares, motivés principalement par la santé ou le besoin de se rapprocher de proches, plutôt que par l’envie de nouveauté.
Les grandes villes concentrent encore une part notable des arrivées, notamment Paris, Lyon ou Bordeaux, mais cette tendance s’essouffle. Depuis la pandémie, davantage de Français quittent les centres urbains pour les périphéries ou les zones rurales, en particulier dans l’ouest et le sud du pays. Le flux s’inverse, révélant de nouvelles aspirations.
Voici les profils qui animent aujourd’hui le marché du déménagement :
- Moins de 30 ans : ils représentent la force motrice du secteur, leur mobilité étant souvent liée à l’emploi ou aux études.
- Familles avec enfants : leur mobilité se réduit, mais elles restent un levier majeur lors de l’accession à la propriété.
- Seniors : ils déménagent ponctuellement, principalement pour des raisons de santé ou de rapprochement familial.
Les différences régionales ne disparaissent pas. Les habitants des grandes métropoles déménagent plus que la moyenne, mais l’équilibre glisse peu à peu vers les villes moyennes et le périurbain. Cette recomposition du territoire s’accompagne d’une mutation du marché du travail et du logement.
Pourquoi observe-t-on une baisse des déménagements ? Analyse des causes et des freins
Le ralentissement des déménagements n’a rien d’un hasard. Plusieurs facteurs se conjuguent pour freiner la mobilité des Français, avec des conséquences directes sur le marché.
La flambée des prix de l’immobilier joue un rôle de premier plan. Dans les grandes agglomérations, la hausse des prix bloque de nombreux projets, tandis que le marché locatif se tend. Beaucoup repoussent ou annulent leur déménagement, incapables de trouver un logement qui corresponde à leur budget. À cela s’ajoute la rareté de l’offre, qui touche aussi bien les couronnes urbaines que certaines communes rurales.
Le coût de la vie, lui aussi, s’invite dans l’équation. L’inflation a creusé l’écart, pesant lourd sur le budget consacré à un déménagement. Entre le transport, les prestations de déménageurs et les frais annexes, la facture grimpe vite. Ce contexte pousse de nombreux ménages à privilégier la stabilité et à temporiser leurs envies de changement.
Enfin, la crise immobilière complexifie encore la situation. Les conditions d’accès au crédit se durcissent : taux d’emprunt élevés, exigences bancaires renforcées… Même les ménages solvables se voient parfois freinés, en particulier les primo-accédants. Beaucoup préfèrent rester dans leur logement actuel, faute de perspectives réalistes.
Voici les principaux freins qui ralentissent la mobilité résidentielle :
- Prix de l’immobilier : la tension sur l’achat ou la location limite l’accès à la propriété.
- Pénurie de logements : l’offre reste insuffisante dans de nombreux secteurs.
- Inflation et coût du déménagement : les arbitrages budgétaires poussent à l’attentisme.
- Contexte immobilier incertain : les conditions de financement sont de plus en plus restrictives.
Cette pression se fait sentir sur l’ensemble du territoire, mais elle frappe plus fort encore en Île-de-France, dans les Hauts-de-France et dans les zones les plus convoitées.
L’impact de la crise sanitaire et l’attractivité renouvelée de certaines régions
La crise sanitaire a rebattu les cartes. Dès 2020, la France a vu s’accélérer des mouvements qui n’étaient auparavant qu’à la marge. Avec la montée en puissance du télétravail, beaucoup d’actifs se sont affranchis de la proximité obligatoire avec leur lieu de travail. Conséquence : une part croissante de ménages a choisi de quitter les centres urbains pour privilégier une vie plus sereine, loin de la densité et du bruit.
Les grandes villes comme Paris, Lyon ou Bordeaux ont vu une portion de leurs habitants partir pour des territoires perçus comme plus agréables. Villes moyennes, campagnes, littoraux… La Bourgogne-Franche-Comté, la Provence ou l’Atlantique enregistrent une hausse des installations. Ce regain d’intérêt s’explique par la recherche d’espace, d’un cadre apaisant, et d’un accès facilité à la nature.
Ce phénomène ne touche pas uniquement la résidence principale. Certaines résidences secondaires sont devenues des demeures à temps plein, des familles investissent dans des projets immobiliers loin des grandes villes. Les dernières statistiques de l’INSEE l’attestent : la mobilité n’a pas disparu, elle a simplement changé de visage. L’équilibre entre emploi, logement et qualité de vie s’impose désormais comme un critère déterminant.
Voici les moteurs de ces nouveaux choix de vie :
- Télétravail : il bouleverse les arbitrages et favorise les mobilités vers des zones moins urbanisées.
- Recherche d’équilibre entre vie professionnelle et personnelle : ce critère pèse de plus en plus dans le choix du logement.
- Attractivité régionale : la dynamique des territoires de province redessine la carte du peuplement.
Les flux migratoires internes changent de direction. La France, discrètement mais sûrement, réorganise sa géographie résidentielle, portée par un désir de changement et une aspiration collective à réinventer le quotidien. Reste à savoir si cette nouvelle carte tiendra la distance ou si les prochains bouleversements viendront, à nouveau, tout rebattre.


